D’un pas lent mais assuré, Souad Dibi traverse la grande entrée du Palais des congrès de Genève, où elle est venue participer en ce mois de novembre 2014 à un forum mondial sur l’innovation. Le thème lui tient à cœur, car « de là où je viens, il faut inventer tout le temps, surmonter l’adversité et imaginer le futur en permanence ».
Souad Dibi vit depuis trente ans à Essaouira, une province du littoral atlantique marocain aux innombrables attraits touristiques. Mais, selon des indications de l’Initiative nationale pour le développement humain, la région connaît aussi un taux de pauvreté de plus de 30 % qui touche d’abord la jeunesse et les femmes. « Quand je vois des femmes dans la précarité, je suis écœurée car je me dis que c’est toute une société qui s’écroule. Alors, je cherche des solutions, j’innove », lance celle qui a créé en 1998 une association pour venir en aide à des femmes d’Essaouira abandonnées et sans ressources, aujourd’hui l’une des plus importantes de la localité.
Chaque année, son association El Khir (bienfaisance en arabe) accompagne en moyenne 120 femmes à retrouver une autonomie en les formant à des activités génératrices de revenus : cuisine, pâtisserie, services à la personne… Rien ne prédestinait cette ancienne couturière de 48 ans à se dévouer à la réinsertion socioprofessionnelle des femmes d‘Essaouira. « Si ce n’est [sa] révolte naturelle contre l’injustice et l’attentisme » qu’elle a ramenée d’Al Jadida, sa ville natale près de Casablanca, lorsqu’elle s’est mariée à un artisan menuisier de la côte marocaine.
« Beaucoup de femmes vivent des situations dramatiques au sein de leur famille : abandon, maltraitance, dépendance vis-à-vis de leur mari. Nous les aidons à comprendre que la meilleure façon de s’affirmer, c’est de parvenir à être autonomes », s’enflamme Souad Dibi qui ajoute ne pas être une militante féministe pour autant. Elle prône l’égalité entre les hommes et les femmes, mais pense qu’« il est important de respecter les traditions, car on ne peut pas faire ce qu’on veut ».
Le féminisme de Souad Dibi se veut « participatif » et non vindicatif ni revendicatif. Sa voix fluette et son ton calme contrastent avec son exaspération. « Nous faisons un travail que les pouvoirs publics devraient garantir à tous les citoyens, surtout dans les zones rurales », déplore la militante associative pour qui « le féminisme consiste d’abord à répondre à des besoins concrets ».
Source: fric-afrique.fr
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